“All We Imagine as Light” film indien primé à Cannes. sortie le 2 octobre 2024
Le cinéma indien est très actif et ose des thèmes tels que les amours, la sororité..
Divya Prabha interprète Anu dans « All We Imagine As Light ». |
ci-dessous l'article de Télérama , Jacques Morice, 24 mai 2024
Cannes : “All We Imagine as Light”, poèmes, amours et sororité dans le flux de Mumbai
Premier film indien en compétition depuis trente ans, l’œuvre de Payal Kapadia suit deux colocataires dans leurs vies quotidienne et intérieure.
Une fiction à la fois âpre et sensible autour d’héroïnes contrastées,
couronnée du Grand Prix.
On retrouve ce goût du fragment dès le début d’All We Imagine as Light. Où des monologues intérieurs s’inscrivent et défilent à l’écran, sur fond d’images de Mumbai – mégalopole bruyante et industrieuse, quais de métro bondés. La fiction épouse ces flux permanents, ne cesse d’aller et venir entre vie matérielle et vie intérieure.
Les deux héroïnes, qui habitent ensemble dans un petit appartement, sont infirmières. Leur travail à l’hôpital est décrit et détaillé avec attention. Prabha est mariée mais son époux, parti en Allemagne, n’a plus donné de nouvelles depuis un an. Un médecin timide la courtise, lui envoie des poèmes. Anu, plus jeune, a un petit ami, aimerait trouver un endroit tranquille pour faire l’amour avec lui. Ils s’embrassent dans les coins, derrière les bosquets longeant les terrains de foot, dans les parkings. Anu parle avec lui librement de sexe. Amusée, elle lui raconte comment une apprentie infirmière a été paniquée, lors d’un soin, par l’érection intempestive d’un malade âgé.
L’une chante, l’autre pas. Autant Anu est rieuse et décomplexée, autant Prabha est grave, tourmentée, plus prude aussi. À travers ces deux séduisantes héroïnes, la cinéaste remet au goût du jour une certaine opposition entre tradition et modernité (ultra connectée). Une troisième femme, infirmière elle aussi mais sans papiers, risque d’être délogée par une entreprise de construction qui rase tout pour ériger des tours. Prabha l’aide dans ses démarches.
Une sororité évidente, parfois malmenée, se dessine dans ces portraits à la fois intimes et emblématiques de l’Inde contemporaine. Avec ses couleurs saturées, le film agit comme un kaléidoscope, prend finement le pouls de la ville, combine âpreté et sensualité – la peau de l’être aimé est visible de près, sensible. L’absence d’un enjeu narratif très marqué fait aussi le charme de cette fiction proche de la chronique, lucide quant aux contraintes qui pèsent sur les femmes, mais aussi douce et limpide. Teintée d’états d’âme soyeux comme un sari.
All We Imagine as Light, de Payal Kapadia (Inde/France, 1h54). Avec Kani Kusruti, Chhaya Kadam, Divya Prabha, Hridhu Haroon. Sortie le 2 octobre.